Les changements climatiques annoncés et leurs conséquences obligent les forestiers à s’interroger sur la pérennisation des forêts et de la ressource bois dans le temps. Dans ce cadre, l’une des solutions évoquées dans différentes publications consiste à favoriser les peuplements mélangés. Le CRPF a mené une étude en Pays de la Loire pour dresser un état des lieux des pratiques et identifier les freins au développement des peuplements mélangés. Pour ce faire, un stagiaire ingénieur de l’Ecole Supérieur du Bois, Alexandre STEPHAN, a interviewé une centaine de personnes : gestionnaires (14), entrepreneurs de travaux forestiers (ETF) et exploitants forestiers (7), salariés du CNPF (7) et propriétaires forestiers privés (68). Les différents retours ont permis de préconiser des solutions pour développer ce type de peuplement tout en garantissant une production de bois d’œuvre pour alimenter la filière bois.
Un résumé de ce rapport est également consultable sur le Bois et forêts de l'Ouest du mois de décembre.
La mission s'est découpée entre une phase d'entretiens semi-directifs auprès des différents acteurs de la filière forêt-bois et des prises de mesures sur le terrain, le tout accompagné de recherches bibliographiques. L'objectif était de faire un état des lieux (non-exhaustif) des mélanges pratiqués sur la région, mais également de comprendre les intérêts et les freins au développement de cette technique sylvicole sur la région.
Etats des lieux des peuplements mélangés en Pays de la Loire
Définition du mélange (p. 8-9 et 13 du rapport) :
Le mélange est défini ici comme l’association d’au moins 2 essences, permettant d’atteindre un couvert de 75%. Chaque essence devant représenter au minima 15% du couvert (définition de l’Institut Géographique National).
Dans le cadre de plantation, ce mélange peut prendre plusieurs formes, selon l'échelle à laquelle il est considéré : pied à pied, en ligne, par placeaux (<500 m²), par bouquets (< 50 ares) ou par parquets (> 50 ares). Ce dernier ne semble pas être une échelle satisfaisante pour remplir toutes les fonctions intéressantes du mélange.
Intérêt des peuplements mélangés (p. 10 à 12 du rapport) :
L’assurance économique qui se cache derrière la phrase « Ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier » revient régulièrement lors des entretiens, en particulier auprès des professionnels. Les propriétaires mettent quant à eux plutôt en avant l'intérêt environnemental (biodiversité) et paysager. Le mélange semble également être une réponse au changement climatique chez tous les acteurs de la filière. Ce dernier point est confirmé par plusieurs études bibliographiques, mettant en avant les avantages de mélanges intimes sur la résilience des forêts et sa résistance aux aléas biotiques et climatiques.
Quelques exemples de mélanges montrant de belles réussites en Pays de la Loire (p. 14 à 22 du rapport) :
- Chêne / Charme en ligne : Permet le gainage du chêne par une essence d'accompagnement
- Chêne / Robinier pied à pied : Permet la protection du chêne contre le gibier
- Douglas / Chêne rouge d'Amérique par bande : Leur croissance juvénile proche et leur sylviculture similaire facilite le mélange de ces deux essences
- Pin maritime / Bouleau verruqueux : Améliore la qualité de l'humus et donc la productivité
Identification des freins au développement des peuplements mélangés
Les freins ont été répartis en plusieurs grandes familles :
- Techniques
- Economiques
- Administratifs
- Sociaux
Les freins techniques
Solutions et préconisations : (p. 23 et 24 du rapport)
- Privilégier un système de plantation par placeaux afin de ne pas complexifier le schéma de plantation et de faciliter la gestion des jeunes plantations dans un premier temps, puis l'évacuation des bois par la suite.
- Les placeaux doivent être appuyés sur un schéma de cloisonnements compatible avec la mécanisation des exploitations.
- En cas de mélange pied à pied, favoriser un système d'implantation aléatoire et éviter le mélange de plants en motte et en racine nue.
- Prendre le temps de jalonner la plantation au préalable pour simplifier le repérage des plants lors de l'entretien et gagner du temps par la suite.
Les freins économiques
Solutions et préconisations : (p. 25 à 27 du rapport)
- S'assurer que le volume sorti par catégorie de produits sera suffisant pour remplir un camion
- Diminuer les densités de plantations en baissant la densité d'essences objectifs puis en complétant par une essence d'accompagnement, moins chère à l'achat. Une autre solution intéressante est de planter dans le recrû, les tiges arrivant naturellement permettent ainsi d'atteindre une densité optimale.
Les freins administratifs
Solutions et préconisations : (p. 27-28 du rapport)
Le développement des nouveaux plans d'aides nationaux et régionaux pour 2023 sont en cours de création. Il semble important que ces derniers soient élargis aux peuplements mélangés, sans pour autant entrainer de fortes contraintes sur les justificatifs à fournir.
Les freins sociaux
Solutions et préconisations : (p. 27-28 du rapport)
- Diffuser la connaissance sur les peuplements mélangés au travers de la mise en place de fiches de vulgarisation et de réunions pratiques sur le terrain
- Créer un réseau de suivi des essais en plantation mélangées, accessibles à plusieurs partenaires de la filière forêt-bois en Pays de la Loire
Synthèse des solutions et préconisations
Un récapitulatif des solutions pour pallier aux freins ressentis par les acteurs de la filière est disponible pages 30 et 31 du rapport.
Les solutions proposées sont réparties en 5 grandes thématiques : plantation, exploitation, aide régionale, généralités et partage de connaissances.
Ce rapport a été axé sur la thématique coupe rase et reboisement, mais d'autres solutions existent pour faciliter le mélange des peuplements, comme la régénération naturelle, la plantation dans le recrû ou encore la sylviculture à couvert continu.